Procès de Nuremberg
Création du tribunal
Aux réunions de Téhéran (1943), Yalta (1945) et Potsdam (1945), les puissances alliées décident que les chefs du régime nazi devront être jugés et que le tribunal représentera les principales puissances victorieuses : URSS, États-Unis, France et Royaume-Uni. Près de 200 Allemands sont jugés à Nuremberg, et quelque 1600 autres dans d'autres tribunaux militaires.
L'Union soviétique veut que les jugements aient lieu à Berlin, toutefois Nuremberg est choisie pour plusieurs raisons :
- le palais de justice était grand, peu endommagé et comportait une grande prison ;
- c'était le lieu de réunion annuelle du parti nazi.
Les juges, suppléants et procureurs font partie des quatre puissances :
Le procureur américain est Robert H. Jackson, le procureur britannique est Hartley Shawcross. Au départ le procureur français était François de Menthon mais le général de Gaulle nomme Auguste Champetier de Ribes, délégué du gouvernement provisoire au procès de Nuremberg. Il y soutient l'accusation pour le compte de la France, de la Belgique, du Luxembourg et de la Hollande. Quand au procureur soviétique, c'est le général Rudenko.
Il est à noter qu'en avril 1945, la fin de la guerre approchant, les Britanniques se penchèrent sur la question de savoir si Hitler et les principaux dirigeants nazis devaient être jugés ou exécutés sans procès. Winston Churchill, Premier ministre britannique de 1940 à 1945, envisagea alors d'exécuter Hitler sur la chaise électrique, sans procès, et d'exécuter sommairement les dirigeants nazis une fois qu'ils seraient capturés. 1 Sous la pression des Américains et des Soviétiques, les dirigeants nazis furent finalement jugés.
Validité du tribunal
Sous le prétexte qu'on a refusé aux défenseurs le droit de se plaindre de la sélection des juges, certains estiment que le tribunal n'était pas impartial. Mais les droits de la défense n'ont en aucun cas été réduits, et il faut rappeler qu'il s'agissait d'un tribunal militaire international, le premier du genre. Tout était à inventer. Ses travaux ont permis d'ouvrir la voie vers une juridiction internationale et la création d'une Cour pénale internationale qui siège désormais à La Haye. Dans sa déclaration liminaire, Robert H. Jackson, représentant du ministère public, déclarait : « La disparité énorme qui existe entre la situation des accusateurs et celle des accusés pourrait discréditer notre action si nous hésitions à faire preuve d'équité et de modération, même sur des points mineurs [...] Nous ne devons jamais oublier que les faits pour lesquels nous jugeons ces accusés sont ceux pour lesquels l'Histoire nous jugera demain. Leur donner une coupe empoisonnée, c'est aussi la porter à nos lèvres. Nous devons accomplir notre tâche avec détachement et intégrité intellectuelle afin que ce procès représente pour la postérité la réalisation des aspirations humaines à la justice. »
Le caractère à la fois rétroactif et ad-hoc des définitions de crime de guerre et de crime contre l'humanité en constitue toutefois une faiblesse vis-à-vis des fondements du droit. Le bombardement massif de populations civiles a par exemple été exclu de leur champ en raison de sa pratique par les alliés.
Par ailleurs, les puissances victorieuses n'étaient pas exemptes de crimes commis durant la guerre (bombardement de Dresde, naufrage du Wilhelm Gustloff, etc.). Les Soviétiques cherchèrent à introduire dans l'accusation, le massacre d'officiers polonais à Katyn, alors qu'il fut commis sous l'autorité de Staline. De même, les charges concernant la conspiration en vue d'envahir la Pologne était un sujet délicat à traiter, compte tenu de la signature du Pacte de non-agression entre le Troisième Reich et l'URSS en août 1939.
Procès principal
Le tribunal militaire international s'ouvre le 18 octobre 1945 à la cour suprême de Berlin. La première séance est présidée par le juge Nikitchenko. Le premier procès s'ouvre contre vingt-quatre grands criminels de guerre et six organisations criminelles : le NSDAP (parti nazi), les SS, SD, la Gestapo, les SA et le haut commandement de l'armée. Les réquisitions portent sur:
- complot ou plan concerté en vue de commettre l'un des trois autres crimes
- crimes contre la paix ("direction, préparation, déclenchement ou poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux")
- crimes de guerre ("assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires")
- crimes contre l'humanité ("assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux")
Les 24 accusés furent :
Nom |
--Compte-- |
Fonctions |
Sentence |
Notes |
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1 |
2 |
3 |
4 |
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Martin Bormann |
A |
º |
C |
C |
Chef de la chancellerie du parti nazi |
Mort par pendaison |
Jugé par contumace |

Karl Dönitz |
A |
C |
C |
º |
Chef de la Kriegsmarine à partir de 1943 |
10 ans |
Initiateur de la campagne des U-boot et successeur désigné d'Hitler (dirigeant du Troisième Reich entre le 1er et le 8 mai 1945). Reconnu coupable d'avoir fait couler des bateaux de commerce sans sommation en violation du droit international, son avocat réussit à atténuer sa peine en prouvant que les Américains faisaient de même dans le Pacifique avec les bateaux japonais. |

Hans Frank |
A |
º |
C |
C |
Gouverneur général de la Pologne |
Mort par pendaison |
Avocat d'Hitler, président de l'Académie de droit allemand entre 1934 et 1941. Repenti |

Wilhelm Frick |
A |
C |
C |
C |
Ministre de l'Intérieur et protecteur de Bohème-Moravie |
Mort par pendaison |
Auteur des lois antisémites de Nuremberg en 1935. |

Hans Fritzsche |
A |
A |
A |
º |
Responsable de la presse et de la radio au ministère de la propagande |
Acquitté |
Poursuivi à la place de Joseph Goebbels. Jugé plus tard par un tribunal allemand de dénazification, il fut libéré en 1950. |

Walther Funk |
A |
C |
C |
C |
Ministre de l'Économie et président de la Reichsbank |
Emprisonnement à vie |
Successeur de Schacht. A reçu de l'or de la part des SS commandant les camps de concentration. Libéré pour cause de santé le 16 mai 1957 |

Hermann Göring |
C |
C |
C |
C |
Commissaire à l'aviation, commandant de la Luftwaffe et ministre de l'Intérieur de Prusse, numéro 2 du régime |
Mort par pendaison |
Accusé le plus populaire parmi les gardes américains et le plus influent parmi ses co-accusés. S'est suicidé la veille de son exécution avec une capsule de cyanure. |

Rudolf Hess |
C |
C |
A |
A |
Secrétaire particulier d'Hitler et membre du Conseil de la défense du Reich |
Emprisonnement à vie |
Il fut capturé lorsqu'il attérit mystérieusement en Écosse, seul aux commandes de son avion en 1941. Prétendit être amnésique, il fut diagnostiqué comme une "personnalité hystérique". Il se donna la mort dans sa cellule de la prison de Spandau, le 17 août 1987. |

Alfred Jodl |
C |
C |
C |
C |
Chef du bureau des opérations du commandement suprême de la Wehrmacht |
Mort par pendaison |
Acquitté à titre posthume de toutes les charges par un tribunal allemand de dénazification en 1953. |

Ernst Kaltenbrunner |
A |
º |
C |
C |
Chef de l'Office suprême de sécurité du Reich (RSHA) |
Mort par pendaison |
Autrichien. Le plus haut chef SS survivant, successeur de Reinhard Heydrich (assassiné en 1942), responsable de la Gestapo, fondateur du camp de Mauthausen. |

Wilhelm Keitel |
C |
C |
C |
C |
Commandant suprême de la Wehrmacht |
Mort par pendaison |
A reconnu l'exécution massive de prisonniers soviétiques par la Wehrmacht. Lors de son execution, il s'est écrié :"Vive l'Allemagne". |

Gustav Krupp
von Bohlen
und Halbach |
A |
A |
A |
A |
Dirigeant du groupe Krupp |
---- |
Considéré comme médicalement inapte, il a échappé au procès |

Robert Ley |
A |
A |
A |
A |
Dirigeant du Front allemand du travail |
---- |
Se suicide avant le procès, le 25 octobre 1945 |

Konstantin von Neurath |
C |
C |
C |
C |
Ministre des Affaires Étrangères et protecteur de Bohème-Moravie |
15 ans |
Libéré pour raison de santé le 6 novembre 1954 |

Franz von Papen |
A |
A |
º |
º |
Ancien chancelier de la République de Weimar, ambassadeur en Turquie pendant la guerre |
Acquitté |
A aidé, parmi d'autres, Hitler à arriver au pouvoir. Condamné en 1947 par un tribunal allemand de dénazification à une peine de huit ans, il en purgea deux. |

Erich Raeder |
A |
C |
A |
º |
Chef de la Kriegsmarine jusqu'en 1943 |
Emprisonnement à vie |
Responsable de la guerre sous-marine à outrance et de l'exécution de commandos alliés. Libéré pour raison de santé le 26 septembre, 1955 |

Joachim von Ribbentrop |
C |
C |
C |
C |
Ministre des Affaires Étrangères |
Mort par pendaison |
A signé le Pacte de non-agression avec l'URSS en 1939. A participé aux plans d'agression de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de l'URSS. |

Alfred Rosenberg |
C |
C |
C |
C |
Ministre des Territoires de l'Est |
Mort par pendaison |
Idéologue et théoricien nazi |

Fritz Sauckel |
A |
A |
C |
C |
Plénipotentiaire général pour l'emploi de la main d'oeuvre (responsable du STO) |
Mort par pendaison |
A fait transférer près de cinq milions de travailleurs forcés en Allemagne. |

Hjalmar Schacht |
A |
A |
º |
º |
Ministre de l'Économie jusqu'en 1937 et président de la Reichsbank jusqu'en 1939 |
Acquitté |
Banquier, a contribué au redressement économique de l'Allemagne, puis en disgrâce, a fini la guerre dans un camp de concentration. Considéré comme le plus intelligent des accusés (meilleur résultats aux tests de QI du psychologue de la prison). Condamné par la suite à huit ans de prisons par un tribunal allemand, il fut libéré en 1948. |

Baldur von Schirach |
C |
º |
º |
C |
Chef de la Jeunesse hitlérienne et Gauleiter de Vienne |
20 ans |
Repenti. Responsable de la déportation de juifs autrichiens en Pologne. |

Arthur Seyss-Inquart |
A |
C |
C |
C |
Ministre de l'Intérieur de la République autrichienne en 1938 et Commissaire du Reich pour les Pays-Bas |
Mort par pendaison |
Chef du parti nazi en Autriche, a favorisé l'Anschluss en 1938. Responsable de la déportation des juifs hollandais |

Albert Speer |
º |
º |
C |
C |
Ministre de l'armement |
20 ans |
Architecte d'Hitler, il l'aurait empêché de mener à bien ses projets de destruction complête de l'Allemagne devant l'avancée des Alliés en 1945. Responsable de l'exploitation de la main d'œuvre de camps de concentration en tant que ministre de l'Armement. Repenti. |

Julius Streicher |
A |
º |
º |
C |
Directeur du journal antisémite Der Stürmer et Gauleiter de Franconie |
Mort par pendaison |
A organisé un boycott des commerçants juifs en 1933 et appelé à l'extermination des juifs. Considéré comme le moins intelligent des accusés (plus mauvais résultats aux tests de QI du psychologue de la prison). Il était profondément méprisé par ses co-accusés. |
« A » accusé « C » accusé et déclaré coupable « º » aucune charge
Après les exécutions, le 16 octobre 1946, les corps des condamnés furent incinérés, et les cendres dispersées dans un fleuve allemand, afin que les sépultures des condamnés ne deviennent pas un lieu de culte.
Source : Wikipédia
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